COLONIALISME ET ANTICOLONIALISME

COLONIALISME ET ANTICOLONIALISME
COLONIALISME ET ANTICOLONIALISME

L’expansion coloniale est un fait d’une ampleur considérable, dont les conséquences dominent encore le monde contemporain. Un tel mouvement a fait naître des doctrines. À côté des colonisateurs proprement dits sont apparus des théoriciens. Les colonisateurs eux-mêmes ont parfois présenté des justifications de leurs entreprises. Des hommes d’État ont motivé la politique coloniale dans laquelle ils engageaient leur gouvernement. Ces efforts ont été d’autant plus nécessaires et systématiques que le pouvoir de l’opinion publique augmentait et qu’il fallait la convaincre. Le fait colonial s’est donc accompagné d’une doctrine: le colonialisme. En réaction est apparue très tôt une critique de la colonisation, qui pouvait être soit une attitude morale, soit une position politique allant de la simple réprobation au scepticisme, puis à la condamnation. Des doctrines ont surgi visant à légitimer cette critique: c’est l’anticolonialisme. Cette étude ne se fixe donc pas pour objet l’histoire de la colonisation, mais l’analyse des deux mouvements doctrinaux qui se sont affrontés: le colonialisme et l’anticolonialisme; et cette analyse ne peut être menée que suivant un plan historique, car, à chaque étape de l’expansion coloniale, correspondent un certain type de colonialisme et un certain type d’anticolonialisme. L’affrontement colonialisme-anticolonialisme est constant. Mais les caractéristiques en varient avec le contexte historique comme aussi avec la nature des arguments opposés.

1. Les mots et les choses

L’apparition des mots est toujours signifiante pour l’historien. Les mots colonie et colon , hérités du latin, sont utilisés dans la langue française dès le XIVe siècle. Le mot «colon» désigne alors le cultivateur d’une terre dont le loyer est payé en nature. Il ne s’appliquera qu’au XVIIIe siècle à la personne qui va fonder ou peupler une colonie et qu’on opposera ainsi à l’habitant de la métropole. On ne parle de colonisation qu’au XVIIe siècle, pour définir l’action de coloniser ou le résultat de cette action. Puis, greffés sur cette souche, surgissent l’adjectif colonial , le verbe coloniser et, beaucoup plus tard, le substantif colonisateur . En France, autour de 1834, on appelle colonistes les partisans du maintien de l’occupation de l’Algérie et anticolonistes les adversaires. Par contre, les mots colonialisme et colonialiste n’apparaissent qu’au début du XXe siècle. Ils prennent très vite une nuance péjorative et, par réaction, provoquent l’apparition des termes anticolonialisme et anticolonialiste . À la différence du terme de colonisation qui concerne une action et son résultat, celui de colonialisme s’applique à la justification du fait colonial et l’anticolonialisme définit une attitude d’hostilité à la colonisation. À partir de 1960, on forgera le mot néo-colonialisme pour caractériser l’ensemble des méthodes qui visent à maintenir une domination économique sur un pays anciennement colonisé. Le vocabulaire s’est donc enrichi pour tenir compte, d’une part, du développement et de la diversité des colonisations, d’autre part, des réactions de l’opinion, d’abord indifférente, puis de plus en plus sensibilisée à l’événement.

Bien que la distinction soit parfois délicate, il convient de ne pas confondre les causes de l’expansion coloniale avec les arguments avancés pour la justifier. Les premiers fondateurs de colonies obéissent en effet à des mobiles très divers et ne donnent aucun sens à leur action. Les tentatives de justification ne surgissent que lorsqu’il faut légitimer une expansion coloniale face à ceux qui la condamnent ou n’en comprennent pas l’intérêt. Le conflit colonialisme-anticolonialisme se manifeste donc bien avant l’apparition de ces deux vocables. Toutefois, c’est jouer sur les mots que d’en chercher les origines dans l’Antiquité grecque ou romaine, voire phénicienne. L’origine latine du vocabulaire relatif à la colonisation ou à l’impérialisme a favorisé ce glissement anachronique. En fait, l’affrontement des doctrines ne commence vraiment qu’avec les grandes découvertes, mais il met en jeu des arguments qui varient avec le devenir du fait colonial lui-même. Un certain anticolonialisme ne met en cause que les formes de la colonisation, en dénonçant la violence envers les indigènes dont il prend la défense contre «colons», «affairistes» ou «militaires». Parfois, il s’agit d’un anticolonialisme systématique, doctrinaire, qui récuse, quelles qu’en soient les modalités, le principe même de la colonisation. Dans d’autres cas, l’anticolonialisme ne se manifeste qu’en faveur des habitants d’origine européenne. Telle est la signification des effets de la révolution américaine du XVIIIe siècle en Europe. Il peut arriver que coexistent paradoxalement anticolonialisme et colonialisme. En Afrique du Sud par exemple, les Boers se dressent contre l’expansion britannique, mais nourrissent à l’égard des Noirs un racisme de type colonialiste. L’anticolonialisme caractérise aussi la politique d’une puissance. Nés d’une insurrection contre une métropole, les États-Unis se sont présentés, tout au moins jusqu’en 1898 environ, comme anticolonialistes. Il leur est arrivé d’ailleurs de jouer de cette attitude à des dates plus récentes, quand elle servait leurs intérêts. Il faut enfin, pour éviter toute confusion, réserver le mot d’anticolonialisme aux résistances qui se manifestent à l’intérieur des pays colonisateurs. Les résistances et les mouvements de libération des peuples colonisés ne relèvent pas de cette analyse.

D’où, pour toutes ces raisons, la nécessité de distinguer quelques moments caractéristiques dans l’histoire de ce débat.

2. L’affrontement des théologiens

L’affrontement commence avec les grandes découvertes et les premières occupations territoriales, et oppose alors des théologiens. C’est d’ailleurs le pape Alexandre VI qui, par la bulle Inter caetera , a, le 3 mai 1493, partagé les mondes découverts et à découvrir entre l’Espagne et le Portugal afin que «la loi catholique et la religion soient exaltées et partout amplifiées et répandues [...] et que les nations barbares soient subjuguées et réduites à la foi». Jusqu’où pouvait-on aller dans l’oppression d’un peuple par un autre? Pouvait-on légitimer le droit de colonisation? Ainsi s’opposent Juan Ginés de Sepúlveda, Bartolomé de Las Casas et Francisco de Vitoria. Pour Sepúlveda (env. 1490-1573), la domination coloniale est un devoir. La guerre faite aux Indiens est une guerre juste en raison de leurs crimes, de leur idolâtrie et de leurs sacrifices humains. D’autre part, il est des hommes que Dieu a condamnés à une situation inférieure. C’est le cas des Indiens, peuple grossier, servile par nature et ainsi légitimement contraint à l’esclavage au profit de nations plus évoluées, comme la nation espagnole. La guerre enfin est le seul moyen d’assurer dans les Indes l’établissement de la religion chrétienne. Las Casas (1474-1566) s’oppose à cette idée. «Racontant ce qu’il a vu», il dénonce «la destruction des Indiens», réclame la suppression du système de l’encomienda , c’est-à-dire de la pratique des commanderies où les indigènes étaient remis à des colons qui pouvaient les utiliser comme esclaves à condition de leur enseigner la religion chrétienne. Or, pour Sepúlveda, l’encomienda était le seul moyen garantissant le développement du christianisme dans les Indes. En 1550, à Valladolid, une controverse met aux prises les deux théologiens devant une commission de lettrés et le Conseil des Indes; Las Casas l’emporte. Déjà, il avait obtenu des ordonnances limitant les privilèges de l’encomienda . Mais ces «lois nouvelles» ne sont guère appliquées. Francisco de Vitoria (env. 1492-1549), dominicain de Salamanque, pose plus nettement que Las Casas le problème du droit de colonisation dans son mémoire De Indiis . Il rejette plusieurs des thèses avancées pour justifier la conquête des Indes: la domination de l’empereur sur le monde, la souveraineté temporelle du pape sur l’ensemble de la terre, les droits de la découverte, l’obligation de sauver les âmes même par la violence, les péchés des barbares. Cependant, il y a pour Vitoria des titres légitimes à la colonisation. C’est d’abord le droit d’universelle circulation et d’universelle transmigration. Les Espagnols ont donc le droit de passer dans les terres des barbares sans que ceux-ci puissent le leur interdire. À l’aube des temps, tout étant commun, chacun pouvait se rendre où bon lui semblait. Le partage des biens n’abolit pas ce droit. D’autre part, les richesses naturelles étant un bien commun, personne ne peut empêcher les Espagnols de commercer avec les barbares. Qui plus est, «ce qui n’appartient à personne devient d’après le droit des gens la propriété du premier occupant. Ainsi est-il de l’or qui est dans le sol, des perles qui sont dans la mer.» Le droit de naturalisation étant également légitime, personne ne peut empêcher un Espagnol d’acquérir le droit de cité dans une ville «barbare». Demeure enfin le devoir de propagation de la religion. «Tous ces barbares sont non seulement en état de péché, mais même hors d’état de faire leur salut: il appartient donc aux chrétiens de les redresser et de les diriger.» Une guerre «juste» ne pourra être conduite contre les barbares que si ceux-ci s’opposent à la liberté du commerce et de la prédication. Dans ce cas, «il est permis aux Espagnols de s’emparer des terres et des provinces [...] de faire en vertu du droit de guerre tout ce que l’on a le droit de faire dans une guerre juste». Entre les théologiens de ce temps, le conflit porte donc sur les titres des Espagnols à la domination du Nouveau Monde et sur la nature des rapports qui doivent s’établir entre les barbares et les conquérants.

3. L’anticolonialisme de la Renaissance

À peu près dans le même temps apparaît en France une autre variante de l’anticolonialisme. Elle est suggérée par la multiplication des récits de voyages qui décrivent l’existence de populations à l’état de nature. Le «bon sauvage» devient le thème de cette littérature. Voilà des peuples qui vivaient libres et heureux: nous ne leur apportons que misère, oppression et guerre. Dans les Isles fortunées que chante Ronsard en 1553, il n’y a ni État, ni propriété, ni «Sénat rude», ni «prince inhumain». Et, après avoir lu les Singularitez de la France antarctique du moine cordelier André Thevet, Ronsard écrit Complainte contre Fortune pour qu’on laisse vivre «sans peine et sans souci» cette «heureuse gent». Quant à Montaigne, il avance une idée toute simple, qu’on retrouve continuellement dans une sorte d’anticolonialisme spontané et d’une prudence toute paysanne. «J’ai peur que nous n’ayons les yeux plus grands que le ventre et plus de curiosité que nous n’avons de capacité. Nous embrassons tout, mais nous n’étreignons que le vent.» Il dépouille les conquistadores de leur fausse gloire en rappelant qu’avec «les foudres et tonnerres de nos pièces et harquebouses», on triomphe sans honneur de «peuples nuds». Au lieu de violence il fallait user de douceur, «polir» et «défricher» ce qu’il y avait de «sauvage» chez ces peuples, mais aussi «conforter les bonnes semences que nature y avait produit»: Montaigne se place au côté des victimes (les Indiens) contre leurs bourreaux. Il est bien informé, car, non seulement il a lu les récits des voyageurs, mais encore il a rencontré en Guyenne nombre d’aventuriers qui revenaient du Brésil ou de Floride. Aussi évoque-t-il les civilisations indiennes, l’intelligence de ces hommes «qui ne devaient rien en clarté d’esprit naturelle et en pertinence». La description de villes comme Cuzco et Mexico lui permet de dire «qu’ils ne nous cédaient non plus en industrie». «Quant à la dévotion, observance des lois, bonté, libéralité, loyauté, franchise, il nous a bien servi de n’en avoir pas tant qu’eux: ils se sont perdus par cet avantage et vendus et trahis eux-mêmes.» Rabelais a rêvé aussi d’une colonisation humaine, libératrice. Les peuples colonisés sont comme «enfant nouvellement né». Il faut les «alaider, bercer, esjouir». «Comme arbre nouvellement planté les fault appuyer, asceurer.» Découverte de peuples nouveaux et différents, abandon de toute conception hiérarchique des civilisations, condamnation des violences et des rapines, confiance en l’homme où qu’il habite et de quelque race qu’il soit, tels sont les thèmes qui inspirent les écrivains français de la Renaissance. Ne peut-on pas parler d’un anticolonialisme humaniste? Les grandes utopies des XVIe et XVIIe siècles, de Thomas More, Francis Bacon ou de Campanella, s’inspirent également des récits de voyageurs. Les «Utopiens» sont de «bons sauvages» qui ne connaissent pas la propriété privée et dont le communisme, modèle d’une civilisation sans oppression, a été détruit par les conquérants.

4. Du mercantilisme à la Révolution française

Désormais et pour près de trois siècles, la colonisation est liée au mercantilisme. Il faut augmenter le numéraire intérieur en achetant aussi peu que possible à l’extérieur et en favorisant les industries nationales pour développer les exportations. Des débouchés sont nécessaires. Dès lors les mercantilistes sont favorables à l’expansion coloniale. On ne renonce pas aux motivations d’hier (l’apostolat), mais on y ajoute les besoins du commerce. C’est ce qu’écrit Antoine de Montchrestien dans son Traité de l’économie politique (1615), où il associe les deux préoccupations: «comme Dieu lui même promet à ceux qui cherchent son royaume d’y ajouter par-dessus le comble de tout bien, il ne faut point douter qu’outre la bénédiction de Dieu qui viendrait à ce grand et puissant État pour des entreprises si pieuses, si justes et si charitables [...] il s’ouvrirait par ce moyen, tant ici que là-bas, de grandes et inépuisables sources de richesses.» Cette conception prédomine en France et en Angleterre. Le colonialisme mercantiliste tend à faire des colonies des dépendances économiques de la métropole. Il est en Angleterre à l’origine de l’Acte de navigation (1651) et en France du régime de l’«exclusif». Il faut empêcher en effet la production des colonies de concurrencer celle de la métropole, écarter toute intervention d’un tiers entre la colonie et sa métropole, contraindre les colonies à ne commercer qu’avec la métropole. Telle est l’opinion qui prévaut encore au XVIIIe siècle. Pour l’Encyclopédie , «les colonies n’étant établies que pour l’utilité de la métropole», elles «doivent être sous sa dépendance et par conséquent sous sa protection» et «le commerce doit être exclusif aux fondateurs». C’est aussi l’opinion de Montesquieu: «L’objet de ces colonies, écrit-il est de faire le commerce à de meilleures conditions qu’on ne le fait avec les peuples voisins avec lesquels tous les avantages sont réciproques.» Si seule la métropole peut négocier avec la colonie, c’est que «le but de l’établissement a été l’extension du commerce, non la fondation d’une ville ou d’un nouvel empire».

Cependant, des philosophes mettent en cause le principe même de la colonisation, en particulier le droit de l’occupant. «Si un Taïtien débarquait un jour sur vos côtes, s’écrie Diderot, et s’il gravait sur une de vos pierres ou sur l’écorce d’un de vos arbres: ce pays appartient aux habitants de Taïti, qu’en penserais-tu?» La bible de l’anticolonialisme au XVIIIe siècle est l’Histoire philosophique et politique des établissements et du commerce des Européens dans les deux Indes de l’abbé Raynal. Le succès de l’ouvrage, paru en 1770 sans nom d’auteur, a été considérable: en un quart de siècle, trois éditions, une trentaine de réimpressions, sans parler des contre-façons et des traductions en anglais, en espagnol et en allemand. Raynal, qui avait eu de nombreux collaborateurs, dont Diderot, a mesuré toute l’importance du fait colonial: «Il n’y a point eu d’événement aussi intéressant pour l’espèce humaine en général et pour les peuples de l’Europe en particulier.» Il revient sur le thème du «bon sauvage». De toute façon, il faut reconnaître la diversité des civilisations. Née du désir de s’enrichir et toujours accompagnée de violences, la colonisation n’a pas pour objet de «civiliser». Toutefois, la doctrine de Raynal est très incertaine. D’un côté, il prône un anticolonialisme virulent et lance des appels à la révolte («Barbares européens! [...] J’ai pris les armes contre vous: j’ai baigné mes mains dans votre sang.»); et, dans le même temps, il reconnaît l’intérêt que présentent les colonies et regrette le retard de la France. Il est favorable à une forme pacifique de pénétration et, ne réclamant pas une abolition radicale et immédiate de l’esclavage, il n’envisage que sa suppression progressive. Il condamne l’exclusif, le monopole et le système des grandes compagnies privilégiées et exalte la liberté, «âme du commerce». Il rejoint ainsi l’anticolonialisme des libéraux qui apparaît avec les physiocrates. Dès 1755, Gournay propose d’ouvrir à tous le trafic des Indes en supprimant la Compagnie des Indes. C’est également l’opinion que développe Morellet dans son Mémoire sur la situation actuelle de la Compagnie des Indes . Mais, pour d’autres physiocrates, les colonies n’offrent aucun intérêt. «La nation à laquelle ses colonies feront faux bond la première sera la plus heureuse si elle sait se conduire selon les circonstances. Elle y perdra beaucoup de soins et de dépenses et y gagnera des frères puissants et toujours prêts à la seconder au lieu de sujets onéreux» (marquis de Mirabeau). «Les colonies sont comme des fruits qui tiennent à l’arbre jusqu’à ce qu’ils en aient reçu une nourriture suffisante, alors ils s’en détachent» (Turgot). Dans le même temps s’affirme un courant abolitionniste. En réaction se forme un parti colonial autour du Club Massiac. S’efforçant d’intéresser à sa cause les armateurs, il est avant tout un syndicat de défense des planteurs. Ces controverses n’intéressent qu’une infime partie de l’opinion. Les problèmes coloniaux ne sont pas au premier plan de l’actualité et les cahiers de doléances sont à ce point de vue très discrets.

Durant la Révolution, il ne s’agira pas tant des colonies elles-mêmes que du statut de leurs habitants. Le «Périssent les colonies!» de Robespierre ne peut être interprété comme l’expression d’un anticolonialisme systématique. C’est la réponse aux défenseurs des colons pour qui l’application aux colonies de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen signifierait la fin du système colonial. Ces colons étant prêts à la sécession (ils la feront aux Antilles avec l’aide des Anglais), ils sont anticolonialistes dans la mesure où ils entendent rompre avec une métropole révolutionnaire, et en même temps fanatiquement colonialistes dans leurs rapports avec les hommes de couleur et les esclaves. En fait, Paris est à la remorque des événements. Le 24 septembre 1791, la Constituante abandonne aux assemblées coloniales, composées essentiellement de représentants de colons blancs, le droit de régler la condition des hommes de couleur libres. Quant à la suppression de l’esclavage par la Convention (4 févr. 1794), elle ne fait que sanctionner une situation de fait. Toutefois avec la Révolution apparaît une interprétation nouvelle de l’assimilation, à savoir l’octroi à tous les habitants des colonies (quelle que soit leur origine) de la totalité des droits que possèdent les métropolitains.

5. L’anticolonialisme des libéraux

Le colonialisme mercantiliste connaît des difficultés économiques, car si les colonies de plantations peuvent s’adapter au système, il n’en est pas de même des colonies de peuplement où les difficultés politiques sont insurmontables: la révolte des Américains en est la manifestation extrême (les Américains du Nord à la fin du XVIIIe siècle et les Américains du Sud un demi-siècle plus tard). Cependant, le colonialisme mercantiliste résiste encore, car il sert les intérêts des armateurs, mais il se heurte de plus en plus à l’anticolonialisme des libéraux fondé sur l’idée de l’inutilité des colonies. L’indépendance des États-Unis n’a pas nui à l’économie britannique. Au contraire, les relations commerciales entre les deux pays ont augmenté. Dans une conversation avec l’abbé Raynal, Arthur Young avait déjà observé que «toutes les possessions d’outre-mer ou lointaines sont des sources de faiblesse et qu’il serait sage d’y renoncer». Dans le sillage d’Adam Smith et de l’utilitariste Bentham, les radicaux anglais opposent à la théorie colonialiste de la dépendance les bienfaits de la liberté commerciale. Cet anticolonialisme libéral, qui sera ultérieurement celui des manchestériens «Little Englanders», coexiste en Angleterre avec un mouvement humanitaire abolitionniste. Mais les deux mouvements ne se confondent pas. Sur le continent, et particulièrement en France, les événements semblent justifier cette défiance envers les colonies: affaire de Saint-Domingue et dislocation de l’empire espagnol. Les contemporains ont l’impression qu’une ère coloniale se termine. En 1814, Sismondi déconseille à la France la reconquête de Saint-Domingue. Si le Cours complet d’économie politique de J.-B. Say est de 1803, son influence s’est surtout exercée après 1815 (six éditions jusqu’en 1841). «Les vraies colonies d’un peuple commerçant, écrit J.-B. Say, ce sont les peuples indépendants de toutes les parties du monde. Tout peuple commerçant doit désirer qu’ils soient tous indépendants pour devenir plus industrieux et plus riches, car plus ils seront nombreux et productifs, plus ils présenteront d’occasions et de facilités pour les échanges. Les peuples deviennent alors pour nous des amis utiles et qui ne nous obligent pas de leur accorder des monopoles onéreux ni d’entretenir à grands frais des administrations, une marine et des établissements militaires aux bornes du monde. Un temps viendra où l’on sera honteux de tant de sottise et où les colonies n’auront plus d’autres défenseurs que ceux à qui elles offrent des places lucratives à donner et à recevoir, le tout aux dépens du peuple.» Or, après la chute de l’Empire, cette attitude correspond aux intérêts des notables ruraux soucieux avant tout de l’exploitation de leurs terres, des manufacturiers qui ne conçoivent pas encore que les colonies peuvent leur assurer matières premières et débouchés, des betteraviers désireux de protéger une production encore fragile contre la concurrence du sucre de canne. Tel est l’état d’esprit des «anticolonistes» qui, au début de la monarchie de Juillet, s’opposent au développement de la conquête de l’Algérie. Ainsi, en France et en Angleterre apparaît, avec des variantes et des nuances, ce que Henri Brunschwig a appelé la conception d’une «colonisation anticolonialiste»: éviter de nouvelles conquêtes, ne pas risquer des conflits européens pour des questions coloniales, favoriser l’évolution vers le self-government des colonies de peuplement.

6. Les doctrines impérialistes de la colonisation

Un tournant est pris vers 1873. La dépression économique l’explique dans une certaine mesure. Mais il a des causes plus profondes, car il correspond à une transformation dans la nature des échanges internationaux et dans la structure du capitalisme. Un nouveau colonialisme apparaît, plus systématique, qui met en avant la notion d’Empire. À la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle un même mouvement entraîne des écrivains et des journalistes. Citons pour l’Angleterre Charles Dilke, John Seeley, James Froude; pour la France, Paul Leroy-Beaulieu, Paul Gaffarel, J. Chailley-Bert, Léon Deschamps, Jules Harmand. Aux États-Unis même, avec John Fiske, John W. Burgess et Alfred Mahan, s’élabore une doctrine expansionniste qui abandonne la tradition anticolonialiste de Monroe. En Allemagne, Treitschke et Friedrich Fabri développent les théories colonialistes formulées dès 1841 par Friedrich List. Des associations se constituent pour susciter l’adhésion des milieux d’affaires divisés et prudents et convaincre une opinion publique réticente: Royal Colonial Institute, Imperial Federation League, Kolonial Verein, Gesellschaft für deutsche Kolonisation, Comité de l’Afrique française, etc. Des hommes d’État poursuivent cette politique impérialiste de façon plus ou moins systématique, en raison des ressources dont dispose leur pays et des résistances qu’ils rencontrent: Disraeli et Chamberlain ; Jules Ferry, Étienne et Delcassé; Roosevelt et Mac Kinley; Crispi; Léopold II.

De tous les textes de l’époque, on peut dégager les principaux thèmes du colonialisme impérialiste, thèmes nouveaux ou thèmes repris des anciennes motivations du colonialisme.

– On adapte les théories de Darwin à l’expansionnisme, qui devient un fait de nature . La colonisation présente «tous les caractères auxquels on reconnaît les forces de la nature» (Charles Gide). «Le besoin d’expansion [...] est si intimement lié aux instincts départis à tous les êtres qu’on peut y voir une des manifestations essentielles de la vie» (J. Harmand). Il en est des nations comme des espèces et des individus; l’élimination des peuples arriérés par les peuples évolués et à leur profit est en dernière analyse bénéfique à l’ensemble de l’humanité.

– Il y a une «philosophie» de la colonisation qui comporte, plus ou moins nettement affirmé, un aspect raciste . Pour Jules Ferry, «les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures», un droit qui est un devoir, car «elles ont le devoir de civiliser les races inférieures». En Angleterre, cette conception est fréquemment imprégnée de messianisme religieux. Après la victoire de Pretoria, Lord Roberts ordonne de rendre grâce «au Dieu de la race impériale» et Cecil Rhodes écrit dans son testament que, s’il y a un Dieu, «il travaille d’une manière visible à faire de la race anglo-saxonne l’instrument choisi à l’aide duquel il amènera un état social fondé sur la police, la liberté et la paix». «Nous sommes, proclame Chamberlain, une race maîtresse (governing ) prédestinée par nos qualités aussi bien que par nos vertus à nous étendre dans le monde.» Le «fardeau de l’homme blanc» devient un devoir.

– La puissance coloniale est une composante du prestige national . Aussi faut-il abandonner le primat de la politique continentale à laquelle Leroy-Beaulieu attribue «la perte du Canada, de la Louisiane, de Saint-Domingue, de l’Inde». Considérer comme «une aventure toute expansion vers l’Afrique ou vers l’Orient [...] c’est abdiquer [...] et descendre du premier rang au troisième et au quatrième» (J. Ferry). Si la France s’abstient, d’autres puissances prendront sa place. «La politique des mains nettes [...] c’est un nouveau traité de 1763 sans l’excuse de Rossbach et de la Pompadour.» Ainsi, chez le républicain Jules Ferry reviennent, fréquemment et lancinantes, ces comparaisons entre une royauté qui sacrifie les colonies et une république qui par l’expansion coloniale fera la grandeur de la France, entre l’Empire qui nous a fait perdre deux provinces et la République qui nous a donné deux colonies.

Pas de commerce mondial sans une puissante marine . Pas de marine efficace sans point d’appui; «d’où la nécessité», affirme Jules Ferry, «d’avoir sur les mers des rades d’approvisionnement, des ports de défense et de ravitaillement»; d’où pour l’Angleterre l’aménagement d’une chaîne de bases le long des routes de l’Inde et de l’Extrême-Orient.

– Jules Ferry et Leroy-Beaulieu ont fortement souligné les arguments économiques; les colonies sont des placements de capitaux . «Les capitalistes courent [...] de moindres risques dans les colonies qui sont des prolongements de la métropole» (Leroy-Beaulieu). D’autre part, les mesures protectionnistes tendent à fermer les marchés étrangers. Les colonies offrent «à nos sociétés des matières premières à bas prix» et constituent «de nouveaux marchés pour le débit des produits manufacturés d’Europe» (Leroy-Beaulieu) «La politique coloniale est fille de la politique industrielle» (J. Ferry).

– Enfin l’expansion coloniale est une garantie contre les troubles sociaux . «La perte de notre domaine colonial, déclare Chamberlain aux ouvriers de Birmingham, pèserait d’abord sur les classes laborieuses de ce pays.» Pour Jules Ferry il faut, grâce aux colonies, trouver de nouveaux consommateurs. Faute de quoi, c’est «la faillite de la société moderne».

Il ne s’agit pas ici de confondre motivations, causes et résultats, mais uniquement de classer les arguments avancés pour légitimer théoriquement le colonialisme impérialiste. Ces thèmes développés avant 1914 vont constituer le fondement doctrinal du colonialisme entre les deux guerres mondiales.

7. Socialisme et anticolonialisme

À ce colonialisme va s’opposer un anticolonialisme aux aspects bien divers et parfois contradictoires. En Angleterre, par exemple, les libéraux n’ont pas désarmé et, en 1881, la politique annexionniste de Disraeli est condamnée par les électeurs. Cette opposition s’en prend à une certaine conception de l’Empire et l’échec électoral de Chamberlain en 1906 signifie le rejet de l’impérialisme douanier qu’il avait préconisé. L’anticolonialisme britannique, y compris celui des travaillistes, ne se distinguera guère de la tradition libre-échangiste des radicaux.

En France, tout au moins jusqu’en 1914, l’anticolonialisme est plus diversifié. La conjoncture politique l’explique autant que la réflexion doctrinale. Si, par exemple, les catholiques s’opposent à Jules Ferry, c’est qu’ils veulent indirectement porter un coup à sa politique scolaire. Aussi les arguments avancés ici ou là sont-ils contradictoires: inquiétude de l’opinion en raison de la participation des soldats du contingent à des expéditions lointaines, coût des colonies en hommes et en argent, crainte d’une diversion par rapport aux affaires européennes (question d’Alsace-Lorraine), méfiance envers les militaires et les milieux d’affaires.

C’est du socialisme que va sortir l’anticolonialisme le plus systématique. Karl Marx, qui n’est pas le contemporain de la grande poussée coloniale, a mis en lumière la place de l’exploitation coloniale dans le processus de l’accumulation primitive. Les capitaux investis dans les colonies sont en mesure «de rendre des taux de profit plus élevés». En bref, Karl Marx justifie en quelque sorte les motivations économiques du colonialisme. À propos de l’Inde, qu’il avait particulièrement étudiée, Marx a mis l’accent sur les deux aspects contradictoires de la domination britannique: d’une part, elle détruit, «fracassant toute la structure de la société indienne»; d’autre part, elle crée, en unifiant le pays, en développant les chemins de fer, les conditions d’une étape nouvelle. Mais «les Indiens ne récolteront les fruits de ces germes de société nouvelle qu’a éparpillés parmi eux la bourgeoisie britannique que lorsque, en Grande-Bretagne, les classes à présent au pouvoir auront été remplacées par le prolétariat industriel, ou lorsqu’ils seront eux-mêmes devenus assez forts pour rejeter totalement le joug des Britanniques.»

Toutefois, la pensée socialiste a été pendant longtemps hésitante. Pour ceux qui se plaçaient dans la tradition saint-simonienne, la colonisation était une forme de l’exploitation des richesses universelles. Pour d’autres, c’était la possibilité de réaliser outre-mer les rêves d’une cité merveilleuse. Certains enfin voyaient dans le départ des ouvriers vers les colonies un moyen pour eux d’échapper à l’exploitation capitaliste. La IIe Internationale n’accorde que peu d’intérêt aux questions coloniales. Sans doute est-il affirmé que «la politique coloniale n’a d’autre but que d’augmenter les profits de la classe capitaliste et de maintenir le système capitaliste en dilapidant la valeur et le sang du prolétariat». La condamnation est nette aussi dans la brochure que Paul Louis publie en 1905 et qui s’intitule précisément Le Colonialisme . Mais, dans la pratique politique, il y a beaucoup de fluctuations. Un socialiste allemand comme Edouard Bernstein justifie l’expansion coloniale. La position de Jaurès a très sensiblement évolué. Il considère d’abord comme un fait que «tous les peuples sont engagés dans la politique coloniale». Mais il rêve d’une expansion coloniale pacifique. Puis son anticolonialisme se précise à mesure que mûrit son socialisme. Le rassemblement des affairistes autour du Parti colonial l’éclaire et la violence des guerres coloniales l’indigne. Mais surtout, dès lors que les peuples colonisés manifestent leur volonté d’indépendance, la domination cesse à ses yeux d’être légitime. Comme chez la plupart des socialistes français de ce temps, il y a chez Jaurès la survivance de l’idée jacobine de l’assimilation conçue comme une évolution des sujets vers le statut de citoyens. Mais finalement, Jaurès affirme qu’il y a contradiction entre l’idéal socialiste et l’existence «de nations esclaves, de nations mutilées, asservies ou même humiliées et mortifiées». Les socialistes et les syndicats manifestent contre les guerres coloniales (en France contre la guerre du Maroc, en Italie contre la guerre de Libye). Ils associent la lutte contre les expéditions d’outre-mer à la lutte contre le capitalisme. Mais leurs motivations sont confuses et souvent contradictoires, et mettent rarement l’accent sur l’indépendance des peuples colonisés.

Par contre, avec Lénine et l’Internationale communiste, l’anticolonialisme s’insère dans une doctrine et dans une pratique politique d’ensemble. L’expansion coloniale qui aboutit au partage du monde est, pour Lénine, une des caractéristiques de ce qu’il appelle «l’impérialisme, stade suprême du capitalisme». Les peuples coloniaux acceptent de moins en moins l’oppression. Il est du devoir et de l’intérêt des prolétariats des pays métropolitains de manifester une solidarité de fait avec les peuples colonisés. D’un anticolonialisme nuancé, hésitant, mal dégagé de l’idée que les peuples «avancés» doivent avoir un rôle émancipateur, nous passons ici à un anticolonialisme qui associe dans une même stratégie révolutionnaire les prolétaires des pays colonisateurs et les peuples des pays colonisés. Le premier congrès de l’Internationale communiste appelle à la rébellion «les esclaves coloniaux d’Afrique et d’Asie». Une des vingt et une conditions d’admission à la IIIe Internationale précise que «tout parti appartenant à la IIIe Internationale a pour devoir [...] de soutenir, non en paroles mais en fait, tout mouvement d’émancipation dans les colonies». Ce soutien implique l’affirmation du principe des droits des peuples coloniaux et dépendants à disposer d’eux-mêmes.

Le fait colonial est donc antérieur aux doctrines colonialistes qui le légitiment et à l’anticolonialisme qui le condamne. Avec l’effondrement du système colonial, le colonialisme appartient au passé dans la mesure où il ne survit pas dans les motivations théoriques du néo-colonialisme.

Dans l’histoire de l’anticolonialisme, on a observé bien des positions intermédiaires entre ce qui ne fut qu’une réprobation humanitaire et sentimentale et le refus total allant jusqu’à la solidarité avec les peuples colonisés. Cependant, le système colonial n’a pas succombé sous les coups des anticolonialistes métropolitains. Ils ont joué un rôle dans les événements qui ont conduit à la fin des empires coloniaux. Ils ont miné en quelque sorte les arrières des colonialistes, les obligeant à se battre sur deux fronts. Mais le fait déterminant a été la résistance des peuples colonisés. À mesure qu’elle s’affirmait et prenait le caractère d’un mouvement de libération nationale, le colonialisme abandonnait l’une après l’autre ses motivations doctrinales et l’anticolonialisme se faisait plus agressif et plus efficace.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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